Yoyo de Pierre Etaix, 1964
Je reprends du service! Hier soir, j'ai vu un très beau film, peut être un brin trop long mais tout de même très beau: Yoyo, le second long métrage de Pierre Etaix. J'avais entendu parler de ce cinéaste, clown, acteur, dramaturge et dessinateur français mais je n'avais encore jamais vu un de ses films. Jolie surprise! Et oui, dans les années 60, le cinéma en noir et blanc muet existait encore! Et tant mieux. Le film est divisé en deux parties, une première muette et la seconde parlante.
Ce film commence en 1925. C'est l'histoire d'un châtelain qui ne sait que faire de son argent et que tout ennuie...tous les jours, il s'isole dans son bureau et sort d'un tiroir de son bureau une photographie de la femme qu'il aime mais qu'il a perdu de vue. Ses soupirs et son air rêveur ne laissent aucun doute: il est toujours profondemment épris d'elle. Un jour, un cirque passe devant son château. Il le fait s'arrêter et donner une représentation spécialement pour lui. Alors qu'il était sur le point de s'endormir devant un des spectacles, une jeune femme sur un cheval rentre sur scène et le châtelain la reconnait immédiatement. C'est elle! Il fait la rencontre de son fils, dont il ignorait l'existence. N'ayant qu'un yoyo dans sa pôche, il le lui offre. Ce geste qui peut paraître anodin ne l'est pas en vérité. Le petit garçon devient alors Yoyo. Son père retrouvé, sa famille à nouveau réunie, il a un prénom, un prénom sous lequel il deviendra célèbre dans le monde du cinéma. Le châtelain quitte sa demeure luxueuse, immense et vide et rejoint son fils et sa femme dans leur caravane. Du jour au lendemain, il délaisse son oisiveté pour entrer dans le monde du cirque. Le château n'est plus qu'un songe lointain. Il a désherté l'esprit du châtelain reconverti et comblé de bonheur. A l'image de son père, Yoyo est un rêveur. Il reste une trace du château, une photographie. Yoyo y projette son imaginaire. Après quelques temps d'amour, de joie et d'eau fraiche, la crise vient frapper à la porte de tous les foyers, y compris celui de Yoyo et de ses parents. Yoyo profite de la guerre pour divertir les soldats. Mais il finit par se faire attraper. A la fin de la guerre, il revient sain et sauf. La concurrence de la télévision et du cinéma entraîne Yoyo a changé de camp. Il devient un acteur célèbre. Enfin, il peut réaliser son rêve: remettre à neuf le château de son père, qui tombe en ruine! Entre les toiles d'araignées, les oiseaux, les lapins et les cheminées qui s'écroulent, le château ressemble plus à un abri pour chasseurs qu'à un château. Yoyo redonne fière allure à l'ancienne demeure de son père. Pour fêter ça, il organise une soirée mondaine. Mais cette soirée va sceller le destin de Yoyo. Une amie du monde du spectacle fait irruption en pleine réception. Elle annonce à Yoyo que ses parents sont là. Ombres, fantomes dont Yoyo s'est coupé en changeant de vie, ses parents sont passés pour lui dire bonjour mais leur passage ne dure qu'un instant, très court. Ils ne sortent pas de la caravane. Nous ne les voyons pas. Nous ne les entendons pas. Yoyo est bouleversé. Il n'a plus envie de retrouver ses convives. Il s'isole dans une pièce du château. Mais ce n'est pas n'importe quelle pièce. Elle renferme ses origines, les souvenirs de son enfance, de son passé dans le monde du cirque. A ce moment là, son désir le plus profond se réalise comme par magie. Un éléphant, le même que celui de son enfance, après avoir effrayer tous les invités, le ramène avec lui, au pays des merveilles...
Ce film rappelle énormément l'univers de Jacques Tati : les sons exagérés, les gags qui se répêtent et s'enchaînent, les allures des personnages, tantôt maîtrisées, tantôt déréglées, etc. C'est un vrai film burlesque, une comédie exceptionnelle et émouvante qui plus est!
Le réalisateur interprète lui-même le châtelain et Yoyo adulte. Jean Claude Carrière a collaboré à l'écriture du scénario de chacun des films de Pierre Etaix.
Yoyo a reçu le grand prix de la jeunesse du Festival de Cannes en 1965 et le grand prix OCIC du festival de Venise la même année.
Pierre Etaix me semble définitivement être un cinéaste trop méconnu au regard de son talent! A moi la découverte de ses autres films!