1984, de Michael Radford

Publié le par happy rain

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Ce film a bien entendu était réalisé en 1984. Il est l'adaptation fidèle de ce chef-d'oeuvre de la littérature d'anticipation écrit par George Orwell en 1949. 

Francis Ford Coppola et Milos Forman auraient voulu le réaliser mais Sonia Brownell, la veuve de George Orwell, a refusé leurs projets. David Bowie lui même souhaitait en faire une comédie musicale. Mais Sonia Brownell gardait un trop mauvais souvenir de l'adaptation de Michael Anderson de 1956. Elle savait précisemment ce qu'elle voulait et ce dont elle ne voulait pas : oui pour un film de facture réaliste, non à un vrai film de science fiction. Marvin J. Rosenblum, un avocat de Chicago, négocia les droits d'adaptation du roman avec elle. Il devint ainsi le producteur exécutif du film. La veuve est décédée trop tôt, en 1980, pour voir une nouvelle adaptation du roman de son mari. C'est finalement Michael Radford, un jeune réalisateur britannique qui n'avait alors réalisé q'un seul long métrage, en 1983 qui a été retenu pour réaliser 1984. Son premier film, Another Time, Another Place (Les Coeurs Captifs), se passe pendant la Seconde Guerre Mondiale. 

L'histoire de 1984, vous la connaissez peut être : en 1984, le monde est divisé en trois blocs totalitaires qui se font la guerre, l'Oceania, l'Estasia et l'Eurasia. En Oceania, c'est l'idéologie de l'Angsoc qui domine, une sorte de dictature communiste. On y parle le novlangue. Partout dans la ville, des télécrans avec le visage de Big Brother qui vous surveille, jusqu'à votre bureau de travail et votre domicile. "Big Brother is watching you."

Tout est gris dans ce film en couleurs. L'atmosphère est plombante. 

Le film est par contre porté par deux grands acteurs qui sauvent le film de l'ennui : John Hurt et Richard Burton.

John Hurt incarne très bien avec son physique maigre, Winston Smith, un habitant de Londres en Oceania. Il est employé au parti extérieur, au ministère de la Vérité. Une de ses missions : falsifier l'Histoire, le passé, en modifiant des archives qui doivent correspondre à la version officielle du parti. Mais Winston ne parvient pas à rentrer dans le moule. Il en a conscience. C'est cette conscience qui le menace. La paranoïa le guette. Et cette peur est pire que tout face à la Police de la Pensée qui est à l'affût du moindre signe de défaillance, de désobéissance.

Tous les jours se ressemblent. Et à chaque jour ses deux minutes de la haine qui consistent en un rassemblement du peuple autour d'écrans géants qui diffusent l'image de l'ennemi n°1 : Goldstein. C'est ainsi que débute le film. Pendant ces deux minutes, tous sont censés déverser leur haine de Goldstein et des traîtres qui l'ont servi. Pour le parti, Goldstein est une menace à l'ordre publique. Pour les penseurs indisciplinés, il est l'espoir d'une révolution et de jours meilleurs...

Lors d'un de ses rassemblements, le regard de Winston croise celui de Julia, membre du commissariat au roman. Winston est persuadé qu'elle a perçé son secret et qu'elle va le dénoncer. Il la soupçonne d'être une espionne de la police de la pensée. Il remarque d'ailleurs qu'elle semble le suivre à plusieurs reprises. En vérité, elle est comme lui. Elle fait semblant d'être fidèle au parti et de croire en lui. Elle est même encore plus engagée que lui dans l'opposition. Et pour ne pas se faire démasquer, elle joue la comédie. D'ailleurs bien plus que lui. Mais Julia n'est pas qu'une soldate . Elle est une femme, jeune et elle est amoureuse de Winston. Elle n'a pas froid aux yeux. Elle le lui dit. Ils deviennent amants. Ils vivent leur amour passionnel, à l'abri des regards, dans une chambre au dessus d'un magasin du quartier des prolétaires. Même ces scènes d'amour sont tristes. Ils sont filmés dans leur nudité mais pas dans leur sensualité. La vie a désherté le cadre. Des cadres, ils ne restent que les apparences. 

Winston et Julia vont payer le prix de leur idéalisme...Ils se sont fait berner par le paysage idyllique qu'ils pouvaient voir de la fenêtre de la chambre et par la gentillesse hypocryte du gérant du magasin...Derrière un tableau de la chambre était caché un télécran. Ils sont arrêtés et amenés à O Brien, joué par Richard Burton. Ce rôle de despôte lui va à merveille. Winston et Julia sont séparés. 

L'heure de la torture, tant physique que psychologique a sonné pour Winston. Une des scènes les plus marquantes du film est certainement celle de la cage sur la tête avec les rats à l'intérieur, prêts à se jeter sur Winston et le défigurer...

Pas de happy end. Winston sort perdant et lobotomisé de cette épreuve terrible. Il retourne parmi les esclaves. Mais, dans la dernière scène, alors que Winston joue aux échecs et paraît totalement abruti par ce qu'il a vécu, Julia s'assit en face de lui puis s'en va sans qu'ils aient l'air de se reconnaître. Et pourtant, alors qu'il est de nouveau seul, Winston dit "je t'aime". Sur ces derniers mots, le mystère plane. 

Le tournage du film a duré exactement la même durée que l'histoire du film, d'avril à juillet 1984. 

Trois ans avant, John Hurt a interprêté le rôle d'Elephant Man dans le film du même nom de David Lynch. Cela lui a valu une nomination à l'oscar du meilleur acteur en 1981. 

Michael Redford serait il un cinéaste maudit? Je plaisante bien sûr (quoi que...) mais il est vrai que certains des acteurs qu'il a dirigé sont morts à la fin des tournages. L'acteur Richard Burton est mort pendant le tournage de 1984 et Massimo Troisi est décédé au lendemain du tournage du Facteur, en 1994.

J'ai lu le livre de George Orwell il y a longtemps mais il me semble l'avoir préféré au film que j'ai trouvé austère, et peut être trop classique. En tout cas, Orwell a été visionnaire en imaginant un monde où l'écran nous gouverne nous et notre façon de vivre. Et Michael Radford le met bien en image. Mais, il ne l'actualise pas assez à mon goût. 

Sur des thématiques similaires, j'ai beaucoup aimé le roman Cristallisation Secrète de Yoko Ogawa. Avec son style bien à elle tout en mystère, noirceur et poésie, Yoko Ogawa raconte là l'histoire d'un monde totalitaire où les choses et les émotions disparaissent progressivement de la mémoire des gens. Mais voilà, l'oubli a oublié certaines personnes...C'est un roman fascinant! 

Ah oui, et 1984 m'a aussi fait penser à un film que j'aime, un film bien plus fantaisiste, Fahrenheit 451 réalisé par François Truffaut en 1966. 

Publié dans critique de film

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