Tabou de Miguel Gomez, 2012

Publié le par happy rain

Tabou. Il existe trois classiques du cinéma portant ce titre! Celui de Friedrich Wilhelm Murnau, celui de Nagisa Oshima, et maintenant celui de Miguel Gomez. 

Avec Tabou, Miguel Gomez a donné l'un des plus beaux films de l'année 2012, le genre de film qui redore les blasons du 7ème art. C'est un film en noir et blanc d'1h50, divisé en deux parties, aux allures de berceuse. Mais jamais l'on ne s'endort devant ce doux rêve éveillé.

La première partie se déroule à Lisbonne et raconte la solitude de trois femmes, plus toutes jeunes, qui s'entraident et s'apprivoisent: Aurora, une dame très âgée, Santa, sa domestique et Pilar, leur voisine. Aurora, capricieuse et exhubérante, n'est pas toujours tendre avec sa domestique qui le lui rend bien. Heureusement que la dévouée et pieuse Pilar est là pour soutenir la patiente Santa et apaiser Aurora. Mais Aurora ne fait pas semblant d'être une très très vieille dame, et sa santé se dégrade jusqu'au jour où elle ne trouve plus la force de sortir de son lit. La fin est proche...Aurora fait alors un dernier voeu : celui de revoir un certain Ventura. Mais le temps que Pilar aille chercher Ventura, il est déjà trop tard...

C'est alors que nous entrons dans la deuxième partie. Ventura se lance dans le récit de l'histoire d'amour qu'il a vécu avec Aurora dans l'Afrique coloniale des années 60. Pilar et Santa réalisent alors que les délires d'Aurora n'en étaient pas vraiment. Aurora a bien eu un crocodile comme animal de compagnie. Le lieu dans lequel Ventura fait ressurgir le passé, un bar au décor de jungle tropicale, sert de passage du temps présent à celui des souvenirs. Le glissement de l'un à l'autre se fait tout en douceur. Déjà la première partie faisait la part belle au silence et aux détails, tentant par là de percer le mystère de ces trois femmes. Dans la seconde partie, nous nous retrouvons carrément dans un film muet mais pas dénué pour autant de sons. Gomez rappelle là comment le terme de cinéma muet ne veut pas forcément dire pour autant silencieux. A l'époque du cinéma muet, les films étaient la plupart du temps accompagnés de musique. Ce passage au muet renforce l'attention du spectateur sur les images. La délicatesse de la première partie est ici décuplée. Chaque plan en ressort plus fragile, plus précieux. Le souvenir est de toute beauté. Le coup de foudre est instantané entre Aurora et Ventura. Le jeu de regard qui est mis en scène laisse penser qu'avant eux, l'amour n'avait jamais existé. Mais la consommation n'est pas immédiate. Gomez laisse les deux futurs amants se désirer ardamment. Leur liaison n'en sera que plus forte. Dans cette seconde partie, Gomez sublime l'amour et la jeunesse. Mais elle est aussi marquée par une menace obscure, mortifère. Les deux amants savent que cet idylle est voué à l'échec...Un grand romantisme se dégage de cette aventure dangereuse et incroyable. Et peu importe l'issue que l'on devine tragique, le voyage, poétique et exotique, en vaut déjà la chandelle! 


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Publié dans critique de film

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